Scroll Top

Alexandre Mexis | Poems

7 femmes grecques, 7 jours avec elles…

Qu’elles soient légendaires ou contemporaines, célèbres ou anonymes, les femmes grecques, par leur beauté, leur caractère, leur courage ou l’amour qu’elles personnifient, embrassent l’âme et le cœur de leur pays chaque jour qui passe, éternellement…

Lundi matin pour Hélène

Une femme.
Elle ramasse des coquillages sur la plage
en longeant les vagues
qui viennent mourir sur le sable
à ses pieds…
Sa queue de cheval blonde tombe
en cascade
derrière sa casquette blanche…
Elle avance doucement,
se penche,
regarde…
De temps en temps elle en prend un pour l’examiner…
Parfois elle le garde,
parfois non.
Petite fille elle devait déjà sûrement
ramasser des coquillages sur la plage…
Elle les rangeait
dans des pots de confiture vides
après les avoir rincés à l’eau claire puis fait sécher.
Ce soir elle trouvera un vieux pot de confiture vide
et le lavera pour y exposer ses nouveaux coquillages
et elle retombera en enfance…
En attendant,
elle vient de tourner perpendiculairement
face à la mer
et avance droit vers l’horizon…
Peut-être espère-t-elle le toucher un jour ?
Ou peut-être sait-elle que finalement
on ne retombe jamais en enfance ?

Cette femme,
avec les yeux de Pâris
je la regarde.

Ce n’est pas toi.

Mardi midi avec Sappho

Midi à la crique…
Nous sommes seuls
avec les cigales…
Je suis
allongé
sur le sable
à plat ventre
et toi…
Toi tu es agenouillée
juste à côté de moi…
Ton genou droit
frôle mes côtes
et l’air chaud du soleil de Mytilène
m’écrase de douceur sous l’ombre du tamaris
qui nous protège
et tes mains glissent
sur ma nuque
et tes ongles dessinent des lignes
courbes qui jamais ne quittent ma peau
et le frisson qui va et vient inonde
mes épaules
jusqu’à mes avant-bras
et mes poils se dressent
les uns après les autres
et se recouchent en silence
alors qu’à quelques mètres
le chant des vagues
s’échoue en boucles
sur le sable
et rythme la danse de tes doigts affamés
qui descendent jusqu’au creux
de mes reins
et contournent un grain
de beauté
avant de remonter
à la naissance
de mes cheveux cette fois
et mes yeux se ferment de plaisir
et je souris mais ne dis rien
et je lutte
et je lutte
et je lutte pour ne pas sombrer
dans le sommeil d’été
car la torpeur torride qui le précède
l’entre-deux qui l’annonce
est tellement plus jouissif
que dormir serait perdre ce combat
de la conscience du plaisir
et
je
ne
le
veux
pas…

Melina mercredi

Comme ton chat
qui se réveille
du silence épais de la nuit
et pose ses paupières
lourdes sur les alentours
de son monde
j’ouvre les yeux
à la lueur du jour…
Elle entre dans la chambre blanche
et caresse mes draps
froissés de rêves perdus
et de cauchemars indolores…
L’air à mes côtés
respire la sueur
de ta nuit
et soulève à pouls lent
le trait de silhouette de ton corps…
Dans la rue
coule déjà le flot
des voitures endormies
et les klaxons
sonnent
l’arrivée au bureau de l’aurore…
Quelques secondes après l’apesanteur
je comprends où je suis
quand ta main
gauche
glisse comme une souris
sur ma cuisse,
soulève mes envies
et, en une caresse,
me souffle
le miel de ton nom…

Jeudi soir : la Callas à l’opéra

Comme Écho
au fond de sa grotte,
les cigales
aux oliviers centenaires
ou l’éternel flux et reflux
des vagues sur le sable
qu’elles viennent embrasser,
ta voix ne cesse de me revenir
de m’attendrir
de m’étourdir
là où celles des autres
passent
lassent
et s’effacent…
Et, au couchant devant la mer
où s’étale le rouge de tes lèvres
je ne sais plus
si je suis amoureux
d’une femme
d’une dame
ou d’une déesse
enchanteresse
ô divine
diva…

Vendredi sur la mer de Bouboulina

Protégé du soleil
par ta main
de ton regard
noir l’horizon
tu scrutes
à l’avant de ton navire
sur la mer
loin des jasmins de ton île
comme sur la terre
ferme
belle Grecque indocile
aux hommes
interdits
de te dicter ta conduite
et
qui souvent préfèrent la fuite
tu auras laissé
amants
guerriers
enfants…
Et aux femmes d’aujourd’hui
qui, sans vraiment le dire,
ton esprit, toujours, admirent,
tu auras donné
des rêves
de liberté
et,
bien plus précieux encore,
la liberté
de rêver…

Angélique samedi

Mélopée à la traîne
à la guitare et au chant
tiraillés de tes thrènes
où sous tes boucles charbon
le temps que tu égrènes
naît de ta passion
et de la déchirure
entre tes deux maisons…
Nostalgie de la reine
des Hellènes
d’ailleurs
qui rêvent sous tes notes
que l’Égée les inonde
qu’un jour ils reviendront
qu’elle les entraîne avec elle
sur la crête des vagues
à l’âme guidée par le vent
qui souffle par saccade
l’air de tes chansons
mélopée à la traîne…

Dimanche… Maria à minuit…

Et si, il y a 30 ans
nous nous étions croisés
à Monastiraki,
dans un café du Pirée
quand l’été venu chez mon grand-père
je cherchais dans Athènes
une muse à aimer…

Et si, un peu plus jeunes,
un peu plus fous,
tellement plus doux à nos 20 ans,
cheveux plus bruns et cœurs battants,
à Gazi ou à Syndagma,
je t’avais donné rendez-vous
l’âme rêveuse, le cœur léger…

Crois-tu, alors, que comme hier,
nos yeux auraient brillé autant ?
Nos pouls battu plus vite encore ?
Nos chemins changé pour autant ?

Et si, au rythme du rebetiko
ou à la fougue du sirtaki
j’avais su poser mes mots
sur le vague à l’âme de ta vie,
les notes de ton piano
m’auraient-elles alors accompagné toute la vie ?

Oh si j’avais plongé un soir
dans la douceur de ton regard
avec un seul de mes baisers,
aurais-je pu t’emmener
au lieu de te laisser partir
pour me morfondre le cœur serré ?

Crois-tu, alors, que comme hier,
nos yeux auraient brillé autant ?
Nos pouls battu plus vite encore ?
Nos chemins changé pour autant ?

Et si, tous les soirs, dans mes bras,
c’était ton anniversaire ?
Si le temps passait moins amer
sucré de ton sourire et ta joie,
il effacerait les blessures,
les cheveux blancs, les déchirures…

Tu sais, je crois vraiment que si hier,
nos yeux avaient brillé autant,
nos pouls battu plus vite encore,
nos chemins auraient changé tant !

Mais si on ne remontera pas le temps
ou les années de ces 30 ans,
les joies, les peines et les enfants,
avec toi je voudrais danser toute la nuit
à Athènes, Larnaca ou Paris
encore 30 années de nos vies…

Curriculum Vitae Alexandre Mexis